Histoires des Carrières

Un peu de géologie….

Le vignoble de la Côte de Nuits  a été développé sur une étroite bande de terrain de Marsannay à Nuits Saint Georges. Il est suivi au sud par les coteaux de la Côte de Beaune, plus larges. À l’ouest, les vignobles des Hautes Côtes sont cultivés sur le plateau à 400m  et plus d’altitude.

La culture de la vigne dans cette région s’est établie sur un terrain bien particulier. Celui-ci a été façonné par les hommes mais aussi et surtout bien avant lors des temps géologiques.

Il y a 160 millions d’années, la mer recouvrait la Bourgogne. Vous avez sans doute déjà remarqué sur une pierre, sur une dalle de Comblanchien, un coquillage, des débris d’oursins…Autant d’indices qui montrent que la mer occupait notre région.  Pierre Rat, dans son ouvrage, la Bourgogne, une longue histoire inscrite dans le sol aux éditions de l’Armançon, cite même une réflexion du XVIIIe siècle: « Sur une dalle de roche, des coquilles Saint Jacques. Elles sont trop nombreuses et trop fortement prises dans la roche pour avoir été, comme ironisait Voltaire, perdues par des pèlerins au retour de Compostelle ».

De plus, si vous observez le paysage, vous pouvez voir les traces des courants de l’eau sur les roches qui vous entourent.

Le paysage était  donc bien différent de celui d’aujourd’hui. « Il faut concevoir un vaste haut-fond calcaire, comme les bancs actuels des îles Bahamas au large de la Floride. Des plages, des dunes de sables oolitiques ceinturaient un grand lagon dans lequel s’est élaboré le comblanchien avec ses divers faciès.

Façonnée à cette époque dans les calcaires du Jurassique Moyen, la côte de Nuits est largement constituée par le Calcaire de Comblanchien. Il est caractérisé par des falaises abruptes et dénudées. Le vignoble est au-dessous, là où la pente est moins raide. Les limons ont été retenus, ils sont mélangés  aux éboulis constitués notamment par de l’Oolite blanche, du calcaire rose de Premeaux à chailles, des calcaires à entroques et quelques marnes.

 

Les sols sur lesquels sont plantés les vignobles sont  le résultat de l’altération des couches géologiques sous-jacentes mais aussi des éboulis successifs issus des plateaux.

Les sols sont essentiels à la vie sur terre, ils permettent aux plantes de s’ancrer grâce à leurs racines, ils retiennent l’eau, ils stockent les éléments nutritifs. Ils abritent des quantités impressionnantes de micro-organismes qui accomplissent les transformations biologiques ainsi que des animaux plus ou moins gros.

Un peu de vocabulaire :

–          Oolite : Petit grain de calcaire ressemblant à un œuf de poisson. Ce nom vient du grec, öon, œuf et lithos, pierre. Plusieurs couches de calcaire enveloppent un minuscule débris. Aujourd’hui encore des oolites se forment.

–          Entroques : formation fossile provenant des tiges d’oursins fossiles.

–          Marnes : roche sédimentaire composée de calcaire et d’argile

–          Chailles : cailloux

carrieresGirault (1)  évoque l’existence au18ème siècle de carrières à Corgoloin, Nuits et Premeaux.

Courtépée et Beguillet (2)  indiquent que Corgoloin possède une bonne carrière de pierre jaunâtre mêlée de taches d’un rouge plus ou moins tendre, quelquefois avec des veines ondées aussi de rouge ; on en fait des tables et des cheminées. Cette carrière, étant donné la description qui est faite de la pierre est bien antérieure aux carrières exploitées sur cette commune et dont le matériau extrait rappelle la pierre de Comblanchien.

Sur la Commune de Comblanchien, quatre sociétés exploitent à ciel ouvert les roches ornementales, l’extraction ayant été stoppée en souterrain à Premeaux-Prissey car tropcarrieres1 onéreuse et entraînant de nombreuses contraintes de sécurité ; de plus, la pierre de couleur rose contient des « œufs », parties extrêmement dures entraînant de nombreuses difficultés dans l’extraction. Pour information, une carrière souterraine reste en activité sur la commune de Nuits-Saint-Georges.

Corgoloin possède  plusieurs  carrières sur son territoire (dénommées Javelle, Barberet, la petite, carrière Courtois, Villers). Autrefois, propriétés de la commune, elles ont été cédées au début du 20ème siècle à des maîtres-carriers parmi lesquels, E.SAUVAIN, FEVRE, DERVILLE-FEVRE, CIVET et Compagnie devenue CIVET-POMMIER puis ROCAMAT.

Les carrières ont connu leur essor au milieu du 19ème siècle avec la construction du PLM, la pierre étant utilisée pour l’édification des ouvrages d’art. Elle a également servi à la construction des grands magasins ( Printemps, Les Magasins Modernes à Dijon…). Les pierres taillées près de la gare par les ouvriers de l’usine, ainsi que quelques artisans,  étaient expédiées par le train.

carrieres2La gare de Corgoloin était une des meilleures de France dans sa catégorie vu le tonnage de marchandise expédiée (Pratiquement chaque jour, cinq à six wagons d’une trentaine de tonnes emportaient des blocs bruts ou des pierres de sciage ). L’acheminement était également assuré par voie d’eau (le canal à Dijon).

Au cours des années fastes, le bassin carrier comptait environ 800 ouvriers permettant une vie locale animée ; le commerce était florissant, Corgoloin possédant 5 bars, 4 épiceries, 2 boulangeries, 1 boucherie-charcuterie. Il est à noter qu’une gendarmerie a été créée dans le village à l’initiative de Mr Barberot, maire et conseiller général, car dans lescarrieres3 années 1925/1930 une forte population immigrée (Italiens, Suisses, Polonais) afflue pour travailler dans les carrières et les autochtones craignent que la vie paisible du village ne soit perturbée.

De nombreux ouvriers étaient logés par les entreprises en particulier au château de la Chaume.

La « Javelle » et la « Barberet » auparavant séparées produisaient la plus belle pierre du bassin carrier appelée le RAF (rose anémone fleuri). Ensuite l’exploitation a été stoppée après la faillite d’une société gérante. Dans les années 1970, un bail de location est signé avec une société anglo-canadienne afin de concasser la pierre pour la construction d’une autoroute. Les 2 carrières sortent très abîmées de cette exploitation et la société propriétaire des lieux arrête l’extraction car le prix de revient était trop élevé.

L’une de ces carrières ( la Javelle) sert de dépôts de fines de sciage, la Barberet étant utilisée pour le stockage de blocs ; une autre partie, bien séparée, fait l’objet d’une convention avec le SDIS pour l’entraînement à la recherche de personnes ensevelies.

Pour la « Barberet », la Société ROCAMAT possède 2 autorisations :

  • a)     L’une concernant l’exploitation de roches ornementales.
  • b)     L’autre concernant le concassage d’une partie rocheuse en place impropre à la valorisation de la pierre car possédant trop de fractures et d’un « cavalier » ou remblai, encore nommé terril (la terre étant remise sur le front de taille pour être végétalisée, les pierres concassées et les morceaux de blocs difformes servant à l’enrochement de digues ou berges de rivières).

La carrière dite « Villers » (car ayant une partie sur Corgoloin et une sur Villers-la-Faye) est occupée actuellement par une centrale d’enrobé.

La Société ROCAMAT possède sur Corgoloin une usine qui, grâce à son extension à la fin des années 70, est un site important de France pour la transformation de la pierre. Environ 65 ouvriers oeuvrent pour la production de carrelages, revêtements de façades, bordures de trottoirs, pavés ou encore escaliers, cheminées, lavabos, etc… grâce à la taille. La pierre du bassin carrier sera présente à Dijon avec la construction actuelle du tramway.

Les poussières de sciage et polissage appelées « fines » servent actuellement d’amendement calcaire pour l’agriculture.

Actuellement, l’activité est conforme à la situation : difficile !

La concurrence est rude avec notamment des produits d’importation en provenance de Chine, Espagne, Portugal, Croatie.

La clientèle est répartie comme suit :

  • 70%  pour la France
  • 30% à l’export ( USA, Moyen-Orient)

A leur manière, les Carrières présentent un intérêt certain dans la biodiversité en partenariat avec des sociétés naturalistes car elles participent à la protection de certaines espèces d’animaux.

  • Les chauves-souris à Premeaux ( carrière souterraine)
  • Les rapaces (faucon pèlerin, hibou grand-duc) dans la Meuse
  • Les crapauds dans les zones humides ( Pouillenay )
  1. Guide « détails historiques et statistiques du département de la Côte d’Or »
  2. Description générale et particulière du Duché de Bourgogne

 

Remerciements à :
M-L BAUDEMENT, Université de Bourgogne
Jean-Pierre GARCIA chercheur à l’Université de Bourgogne
Société ROCAMAT (Mrs PLANAT et JOUILLEROT)
F. NAUDET, La Pierre de Bourgogne
J. CORTOT , Comblanchien, son histoire, ses carrières, ses vins, son expansion au XX siècle
B. CASLANI